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Conflit Homme-Faune au Gabon : entre protection des éléphants et détresse des populations rurales

Au Gabon, le conflit entre les communautés rurales et la faune sauvage, notamment les éléphants, prend de l’ampleur et cristallise les tensions. D’un côté, une volonté étatique affirmée de protéger une espèce emblématique. De l’autre, des citoyens excédés par des intrusions récurrentes dans leurs plantations, qui estiment que leur sécurité et leur survie sont reléguées au second plan.

Dans plusieurs provinces du pays, les habitants dénoncent des destructions massives de leurs cultures par les éléphants. Manioc, banane, canne à sucre… rien n’échappe au passage des pachydermes. Pour ces familles dont la terre est la principale source de subsistance, ces pertes ont des conséquences dramatiques. En 2015 déjà, plus de 8 300 plaintes liées à ce conflit avaient été enregistrées, preuve d’une crise structurelle.

Entre 2016 et 2020, ce sont plus de 13 000 personnes qui ont été affectées, avec au moins une douzaine de pertes en vies humaines recensées. Une situation d’autant plus frustrante pour les populations qu’elles ont souvent l’impression que les autorités se montrent plus promptes à sauver les éléphants qu’à secourir les hommes.

Une réponse institutionnelle tardive, mais existante

Face à la gravité du phénomène, le gouvernement gabonais a intensifié sa coopération avec certaines ONG, notamment Space for Giants. Ensemble, ils ont mis en place un système de clôtures électriques mobiles, conçues pour protéger les exploitations agricoles. Ces barrières délivrent une légère décharge aux éléphants sans les blesser, mais suffisamment pour les dissuader de s’approcher.

À ce jour, plus de 1 000 clôtures ont été installées à travers le pays. Elles ont permis de sécuriser les cultures de plus de 10 000 personnes. Le taux d’efficacité revendiqué est supérieur à 90 %. Chaque barrière peut couvrir jusqu’à 10 hectares et s’adapte même aux réalités de l’agriculture itinérante.

L’installation d’une seule clôture coûte entre 1 et 1,5 million de francs CFA, un montant difficilement supportable pour la majorité des paysans. C’est pourquoi les projets sont en grande partie financés par des partenaires techniques. Néanmoins, l’entretien de ces barrières repose sur les agriculteurs eux-mêmes, qui doivent être formés pour les réparer, les entretenir et les recharger.Et malgré leur utilité, ces dispositifs restent ponctuels et concentrés sur certaines zones pilotes. De nombreuses communautés continuent donc de subir sans aucune protection.

Pour les autorités gabonaises, le conflit homme-faune est une réalité qui ne disparaîtra pas. « Il faut apprendre à vivre avec », reconnaît Michelle Ngwapaza, directrice générale adjointe de la Faune et des Aires Protégées. Mais pour les populations concernées, cette résignation est difficile à accepter lorsqu’on a le ventre vide. Les victimes attendent plus qu’une cohabitation forcée : elles demandent des mesures structurelles, une politique d’indemnisation claire, et surtout, un équilibre entre la protection de la biodiversité et celle des vies humaines.

Tant que les priorités de conservation continueront à être perçues comme opposées aux réalités humaines, le fossé entre l’État et ses citoyens s’élargira. Protéger les éléphants ne devrait pas signifier sacrifier les villageois. Le défi du Gabon n’est donc pas seulement écologique. Il est aussi profondément social et politique.

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